16/08/2018

Le changement climatique s’apprête à transformer les écosystèmes marins et d'eau douce

Les moyens de subsistance de millions de personnes dépendantes de la pêche sont en danger. Le directeur général de la FAO exhorte les gouvernements à résoudre les différends en matière de financement de l'adaptation.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), de nouvelles analyses et modélisations auxquelles ont collaboré plus de 100 scientifiques prévoient que d'ici 2050 le changement climatique aura modifié la productivité de nombreuses pêcheries marines et d'eau douce de la planète, affectant les moyens de subsistance de millions de personnes les plus pauvres du monde. De même source on indique que le potentiel productif des pêcheries dans les zones économiques exclusives (ZEE) – la ZEE est constituée par une bande de 200 milles nautiques (environ 370 km) dans laquelle l'État côtier a des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles – pourrait diminuer de moins 12 % en moyenne, un chiffre qui masque toutefois des fluctuations plus importantes du potentiel productif au niveau régional. Les systèmes d'eaux intérieures si importants mais souvent négligés de la planète, qui comprennent 5 des pays les moins avancés du monde parmi les 10 principaux producteurs de poisson, seront également affectés. Ces systèmes fournissent 11,6 millions de tonnes de nourriture par an pour la consommation humaine. Les bouleversements annoncés sont liés aux changements de température et de pH, aux changements dans les modèles de circulation océanique, à l'élévation du niveau des mers et à la modification du rythme des précipitations et des tempêtes. Parmi les conséquences attendues figure la modification de la distribution géographique et de la productivité des espèces, alors que les récifs de corail blanchiront avant de dépérir et que les maladies aquatiques deviendront plus courantes. Ces projections figurent dans une vaste collection de 654 pages d'analyses et d'informations mondiales, régionales et nationales diffusées aujourd'hui par la FAO et constituant le rapport le plus complet jamais réalisé sur le changement climatique et la pêche.

Ce rapport, intitulé Impacts of climate change on fisheries and aquaculture: Synthesis of current knowledge, adaptation and mitigation options, comprend à la fois de nouvelles recherches et une synthèse unique des informations scientifiques les plus récentes sur la façon dont le changement climatique modifie les océans, les lacs et les rivières du monde, tout en bouleversant les modes de vie des communautés qui en dépendent. Plusieurs études de cas portent sur les défis, ainsi que sur les solutions d'adaptation déjà explorées, qui se posent dans 13 grandes zones marines, allant de l'Arctique à la Méditerranée.Une section-clé du rapport fournit des boîtes à outils et des options d’adaptation pour aider les pays à faire face au changement climatique, tout en leur permettant de respecter les engagements pris en matière d'adaptation lors de l'Accord de Paris sur le Climat. Si ces outils et options d’adaptation sont correctement mis en œuvre, les impacts du changement climatique pourront être minimisés, indique le rapport. S'exprimant lors du lancement du rapport, José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, a lancé un appel à la communauté internationale afin qu'elle apporte un soutien adéquat aux pays en matière d'adaptation. Il a notamment incité les gouvernements au sein du Conseil du Fonds vert pour le climat des Nations unies à résoudre leurs différends en matière de financement du mécanisme d'adaptation. "Nous courons le risque d'épuiser complètement l'élément le plus puissant de l'Accord de Paris sur le Climat", a-t-il averti, en ajoutant : "Lorsque nous avons signé l'Accord de Paris, une condition sine qua non avait été établie : si nous n'aidons pas les pays les plus pauvres à s'adapter au changement climatique, nous n'arriverons pas à mettre l'Accord en œuvre."

Dans un exercice de modélisation basé sur le scénario "atténuation forte" du RCP2.6 de la CIPV, la production halieutique dans les ZEE maritimes chuterait de 2,8 à 5,3 % d'ici à 2050. D’après un autre scénario, le modèle RCP8.5 "Business as usual", la diminution pourrait se situer entre 7 % et 12,1 % d'ici à 2050. Les baisses les plus importantes sont attendues dans les ZEE des pays tropicaux, principalement dans le Pacifique Sud, tandis que dans les régions de plus haute latitude, il est probable que le potentiel de capture augmente. Le rapport souligne que même dans les zones où la productivité sera affectée négativement, les captures de poisson pourraient encore augmenter à condition que les pays mettent en œuvre des mesures d'adaptation adéquates et des régimes efficaces de gestion des pêches. Les changements dans les niveaux de prises se produiront partiellement à la suite des modifications dans la distribution géographique des espèces de poissons en réponse au changement climatique. Cela a déjà été bien documenté dans le nord-est et le nord-ouest de l'Atlantique, ainsi que pour le thon de grande valeur économique. Au fur et à mesure que les changements dans la distribution et la migration des poissons se concrétiseront, de nouvelles mesures devront être prises par les pêcheurs au sein des flottes de pêche nationales et de nouveaux arrangements seront nécessaires entre les pays pour permettre des réponses coordonnées, note le rapport.

Les impacts sur la production des systèmes d'eaux intérieures varieront d'un endroit à l'autre, mais aucune région du monde ne sera épargnée. Le rapport fournit des estimations de l'évolution du climat, de l'utilisation de l'eau et du stress démographique dans 149 pays, et explore l'évolution future des fleuves Yangtzé, Gange et Mékong en Asie, le bassin du fleuve Congo et le système des Grands Lacs en Afrique, les lacs intérieurs de la Finlande en Europe, et les bassins de La Plata et de l'Amazone en Amérique du Sud. Dans le cas de l'aquaculture en eau douce, le Viêt Nam, le Bangladesh, la République démocratique populaire du Laos et la Chine sont les pays les plus vulnérables. En ce qui concerne l'aquaculture marine, la Norvège et le Chili sont les plus vulnérables en raison à la fois de l'importance de leurs systèmes de pisciculture marine et de leur dépendance d’un petit nombre d’espèces.

Selon le rapport, il existe déjà une gamme d'outils de gestion des pêches qui peuvent être utilisés pour faire face au changement climatique, mais beaucoup devront être réorganisés pour répondre à des besoins spécifiques dans des contextes spécifiques. Pour s'assurer que les adaptations soient synergiques et n'entraînent pas d'inadaptation, la FAO les a regroupées en trois catégories : 1. Les réponses institutionnelles et de gestion ; 2. Le renforcement et la diversification des moyens de subsistance des populations ; 3. L’atténuation des risques et le soutien à la résilience. Selon la FAO, les défis du changement climatique peuvent être relevés et ce nouveau rapport indique comment le faire efficacement, tout en minimisant les impacts et en maximisant les opportunités.

Impacts of climate change on fisheries and aquaculture: Synthesis of current knowledge, adaptation and mitigation options – FAO